Le laboureur et les mangeurs de vent

Dans son nouveau livre, Boris Cyrulnik poursuit son exploration de l’âme humaine et nous invite à découvrir notre « liberté intérieure ».

« Comment peut-on obéir avec bonheur, se soumettre à des énoncés que l’on récite en les tenant pour vrais, sans jamais les avoir élaborés ? C’est le triomphe de la doxa quand un groupe social accepte un ensemble d’opinions évidentes, allant de soi, sans avoir le besoin de les mettre en question. Quand la connaissance se réduit à la récitation de la doxa du groupe, elle enferme le sujet dans une cage confortable qu’il maîtrise mais qui l’éloigne de ceux qui habitent d’autres mondes. C’est ainsi que se constituent les délires logiques, cohérents et coupés des autres, c’est ainsi que l’on se prépare à la haine de ceux qui voient le monde autrement.

Les laboureurs qui ont les pieds sur terre construisent une réalité différente. Mais leur savoir est laborieux, lent, arraché au réel comme l’expérience du maquignon qui est le seul à voir que son cheval boite, ou comme un scientifique à la méthode austère. Ces bribes de connaissances changent avec le contexte, acceptent la critique, ce qui donne un sentiment d’incertitude insécurisante, de vérité momentanée. Ceux qui, auparavant avaient acquis une paisible confiance en soi en acceptant les nuances de la réalité, se plaisent à l’argumentation. Mais ceux qui ont acquis un goût amer du monde ne sont apaisés que par les certitudes que donnent les délires logiques. Ils aiment s’agripper aux énoncés sans preuves. » 

Comment ne pas se soumettre aux discours de haine ? Comment refuser le langage totalitaire ?

A propos de l’auteur 

Boris Cyrulnik est neuropsychiatre. Il est l’auteur de nombreux ouvrages qui ont tous été d’immenses succès, notamment Un merveilleux malheur (1999), Les Vilains Petits Canards (2001) et, plus récemment, Sauve-toi, la vie t’appelle (2012), Psychothérapie de Dieu (2017), La nuit, j’écrirai des soleils (2019) et Des âmes et des saisons (2021).