Je deviens un pro de la récup’

Même lorsque l’on fait appel à des designers écologiques, même lorsque l’on privilégie le recyclage des matériaux, il nous faut toujours de l’énergie pour fabriquer ce nouveau mobilier. Aussi, si l’on souhaite réduire son bilan carbone à la maison, il n’y a que deux issues : ou bien se passer de meubles ou bien les récupérer. Vu que personne n’aime dormir à même le sol et manger sur le parquet, on choisira les voies de la récup’.

Ces pratiques, sur fond de crise, sont plus actuelles que jamais. On connaît les fameux vide-greniers, les brocantes, les dépôts-vente, les boutiques d’Emmaüs ou du Secours populaire. Mais aujourd’hui, c’est de plus en plus sur la Toile que ça se passe. Surfer sur www.priceminister.com ou sur www.ebay.fr, c’est un peu comme passer quelques heures dans une brocante gigantesque avec, en plus, la possibilité d’acquérir un bien aux enchères. En quelques clics, il est possible d’équiper l’intégralité de sa maison avec des meubles et accessoires dont les internautes ont choisi de se séparer. Les mauvaises surprises sont rares, vu que l’on traite directement avec le vendeur, et les prix sont souvent imbattables. Toujours derrière l’écran, se généralise également une pratique courante hier : le troc. L’internaute vendeur met en ligne ses biens, cotés selon un barème de points, et l’internaute acheteur les acquiert grâce aux points qu’il a lui-même accumulés avec ses ventes. Allez donc faire un tour sur www.france-troc.com où « tout s’échange, tout se marchande », dont une jolie collection de meubles anciens mais aussi plus de 55 000 références, du meuble de salon au billard américain. Si vous êtes plus altruiste encore, tentez le don pur et simple. Sur Internet, la cyber figure de proue s’appelle Freecycle. Ce réseau, né aux États-Unis en 2003, compte plus de 3 200 communautés à travers le monde où l’on s’échange via le Web ordinateurs, vélos, matelas, jouets, poussettes, rideaux. « Les groupes Freecycle mettent en relation des personnes qui souhaitent se débarrasser d’objets qui les encombrent avec des personnes qui en ont besoin, expliquent les responsables du réseau français sur leur site. Notre but est de libérer les espaces naturels d’objets abandonnés bien qu’encore utiles. En utilisant ce que nous avons déjà sur cette planète, nous réduisons le consumérisme à outrance, la production de masse, et en réduisons l’impact nocif sur la planète. » http://fr.freecycle.org

Interview :
Laurence Vittet, Fondatrice de d’Art-Terre, agence d’éco-design

La récupération en décoration, est-ce une tendance nouvelle ?
C’est une pratique qui existe depuis toujours. Ce qui change aujourd’hui, ce sont les matières. Les éco-designers vont chercher leurs matériaux du côté de l’industrie. À l’agence, par exemple, nous avons développé la première collection d’accessoires de décoration – cache-pots, sets de table – avec une nouvelle matière 100 % made in France : le pévéchouc issu des intérieurs de voiture. Les briques alimentaires réduites en paillettes sont également courantes dans la déco. Tout comme l’amidon de maïs.
Comment définiriez-vous les créateurs récup’ d’aujourd’hui ?
En 2009, il n’existe plus une formation en décoration ou en design sans un module de développement durable. Du coup, la nouvelle génération de designers est au courant des nouvelles contraintes. De plus, ces trentenaires créatifs ont traversé toutes les crises (économique, écologique, sanitaire…). Ils travaillent donc pour sauver leur peau et permettre à leurs enfants de pouvoir évoluer sur cette Terre.
L’offre est-elle en plein essor ?
En décoration, l’évolution hexagonale n’est pas aussi rapide que dans la mode. Mais dans les pays où l’on n’a pas grand-chose, l’offre se développe plus rapidement. C’est le cas en Europe de l’Est ou au Brésil. Avec la crise, les comportements risquent de changer encore. On va aller vers plus de local, de durable, de recyclable, bref d’éco-design.

Récup’ utile et artistique
Ceux qui aiment les objets anciens revus au goût du jour ajouteront à leur carnet d’adresses le réseau des ressourceries-recycleries. Ce concept rassemble une cinquantaine de structures sur le territoire français dont l’objectif est de recueillir les objets usagés, les trier, les démonter, les retaper pour les revendre tout en sensibilisant le public au nécessaire tri. Un exemple ? À Bourdeilles, en Dordogne, l’ancienne école pour jeunes filles accueille désormais les créations du Tri-Cycle enchanté. Une partie des locaux est consacrée à la brocante, une autre à la récupération des objets d’occasion livrés par les particuliers et retapés par la maison. Une troisième enfin valorise les artistes spécialisés dans la récupération artistique. Tambours de machine transformés en tables basses, radios de fémur customisées en abat-jour, passoires de fritures changées en appliques murales : les amateurs de recycl’Art sauront apprécier. www.recycleries-ressourceries.org et www.tri-cycle.org